Les infrastructures face à la baisse des consommations - L'exemple des réseaux d'eau allemands

Une adaptation cantonnée à la face visible des villes

Face au déclin démographique de certaines villes, l'Allemagne a mis en place des politiques visant à adapter "la pointe de l'iceberg", c'est-à-dire à réduire le nombre de logements pour limiter la vacance et préserver l'équilibre économique des opérateurs immobiliers. Seulement, l'adaptation des infrastructures techniques (réseaux d'eau, d'assainissement, d'énergie...) n'a pas suivi. Les réseaux ont donc subi de plein fouet deux phénomènes concomitants : une baisse des consommations structurelle, liée au déclin démographique, aux déconstructions et aux changements de consommations, et un étalement urbain, lié à la recherche de nouvelles formes de logement. Les infrastructures se sont irrémédiablement retrouvées en tension technique et financière.

Un cercle vicieux difficile à enrayer

L'Allemagne a connu et connaît encore une baisse importante des consommations d'eau liée à la baisse de la population, à l'efficacité des équipements électro-ménagers et à une prise de conscience environnementale. Ce phénomène est à l'origine de difficultés techniques et sanitaires sur les réseaux d'eau et d'assainissement. Les diamètres des réseaux sont surdimensionnés, ce qui entraîne une stagnation des eaux propice aux bactéries. La pression nécessaire à la circulation des eaux n'est plus atteinte. Dans les cas les plus graves, la prolifération des bactéries libère des gaz qui accentuent la dégradation des réseaux. Ces désagréments engendrent des surcoûts de gestion des réseaux d'eau et d'assainissement, qui eux-mêmes entraînent une hausse des tarifs qui incite encore à la baisse des consommations.

La recherche d'une maximisation des infrastructures à tout prix

Les infrastructures d'eau et d'assainissement ont une durée de vie extrêmement longue et sont coûteuses à renouveler. Cela conduit à des paradoxes de gestion. Dans les Länder où la situation est la plus critique, les opérateurs de réseaux encouragent les usagers à consommer plus d'eau. Une autre idée facilement applicable est d'utiliser plus de chlore pour limiter la prolifération des bactéries, mais le chlore est perçu comme un moyen chimique qui nuit à la qualité de l'eau. Une dernière solution pour éviter la stagnation dans les réseaux consiste à purger les réseaux, soit à envoyer dans la nature une eau potabilisée à des coûts élevés. Bref, l'inadaptabilité des réseaux d'eau et d'assainissement conduit à un non-sens écologique et économique.

Un exemple riche d'enseignements dans un contexte de promotion de la réduction des consommations

L’exemple allemand montre que l'idée répandue selon laquelle consommer moins coûterait moins cher est simpliste. En France, les réseaux d'eau et d'assainissement sont de plus en plus sujets à cet effet ciseaux déjà observé Outre-Rhin. Plus largement, cet exemple questionne : est-il possible de mener des politiques de sobriété sans repenser l'ensemble de nos infrastructures ? " Le nouveau rêve de l’ingénierie comme de l’urbanisme serait d’avoir à mettre en œuvre des systèmes réversibles, qui sachent s'adapter aux changements de société et de cadre démographique." Marcus Zepf, Franck Scherrer, Éric Verdeil, Hélène Roth, Julia Gamberini

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