La vision allemande des villes en décroissance

Une urbanisation plus ancienne et plus marquée

L’urbanisation allemande est bien différente de celle de la France : le Pays est plus peuplé, plus dense et une plus large partie de la population vit en ville. L’appareil industriel, mais également les réseaux culturels, universitaires, etc. sont répartis de manière assez équilibrée entre Berlin et les villes régionales. Les villes moyennes sont rarement isolées, en particulier à l’Ouest, et s’inscrivent dans des zones métropolitaines. Ces villes moyennes (moins de 100 000 habitants) se portent bien, avec une augmentation de leur population plus forte que les grandes villes. Le phénomène de décroissance a été beaucoup plus marqué à l'Est compte-tenu de la désindustrialisation et de l'isolement plus fort des villes moyennes. Cependant, l'ensemble du Pays est en décroissance démographique.

Après une phase de déni, des politiques de démolition assumées

A l’Est, les programmes de démolition et réhabilitation avaient pour objectif de redynamiser le marché immobilier, largement détenu par les collectivités. Les politiques ont visé à résorber la vacance et assainir financièrement la santé des opérateurs immobiliers. Toutefois, des voies s'élèvent pour dénoncer ces politiques de démolition qui ont essentiellement concerné les grands ensembles et n'ont pas permis d'éviter le phénomène d’étalement urbain et de "perforation" du tissu urbain. Les articles de recherche se multiplient pour discuter du problème de gestion des infrastructure dans un contexte de déclin et les gestionnaires de réseaux techniques demandent eux aussi un soutien financier pour faire face à ce phénomène de "rétrécissement urbain" qui ne se traduit pas par une réduction du périmètre géographique des aires urbaines - le linéaire de réseaux d'eau ou d'électricité demeure intact, alors que les consommations diminuent.

Une densité urbaine difficile à maintenir dans la pratique

A l’Ouest de l’Allemagne, le phénomène de déclin est plus tardif. Officiellement, les politiques urbaines visent à une « concentration décentralisée », c’est-à-dire que les projets d’implantation ne sont acceptés que s’ils sont situés dans l’une des centralités du territoire, à moins (pour les commerces) de concerner des marchandises de consommation courante et que le commerce ne dépasse pas une certaine surface de vente. L’Allemagne cherche ainsi à concentrer le dynamisme dans les villes centres et à lutter contre le « processus continu de sous-urbanisation ». Le discours se veut en faveur d'un maintien de la densité des villes pour préserver leur vitalité et le modèle économique des infrastructures "Les villes doivent demeurer compactes et caractérisées par des trajets courts. Elles doivent avoir une limite d’urbanisation identifiable et ne pas empiéter davantage sur leur environnement." Communiqué du gouvernement de la République fédérale d’Allemagne à la Commission européenne, 28 août 2009. En pratique, les résultats sont plus contestés et certains auteurs font ce constat pessimiste : "Le modèle de "la ville européenne" dense n’aurait plus véritablement de sens en tant que guide des politiques urbaines, dans un contexte où les espaces urbains sont plutôt en voie de dissolution." Daniel Florentin, Sylvie Fol et Hélène Roth

Des politiques outre-Rhin qui questionnent

L’exemple allemand percute les idées reçues sur le lien entre dynamisme des centres-villes et développement des infrastructures. A l’inverse des politiques françaises, qui visent à soutenir le développement des infrastructures dans l’espoir de redynamiser les villes moyennes pour la croissance, les politiques allemandes prennent acte du phénomène de décroissance, notamment démographique, et cherchent à renforcer la densification. Bien sûr, les politiques menées notamment par le passé génèrent nombre de critiques. Cependant, il semble que ces tentatives nous permettent de nous questionner et d’envisager d’autres trajectoires pour certaines de nos villes. En témoignent les articles de la Fabrique de la cité, les réflexions du PUCA et la thèse d'Achille Warnant.

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