La fin du "tout réseau" et un nouveau rôle pour les collectivités

Une compétence historiquement basée sur la gestion des réseaux

La gestion des eaux pluviale est historiquement indissociable de l’assainissement. En effet, face aux problèmes d’insalubrité des villes, la réponse a d’abord été curative, basée sur l’évacuation des eaux, des déchets et des pollutions le plus rapidement et le plus loin possible des villes. Pour gérer les flux d’eaux pluviales, les territoires urbanisés se sont, au fil du temps, dotés d’une série d’ouvrages hydrauliques de gestion des eaux pluviales, dont les réseaux (réseaux enterrés, fossés) et les rivières artificialisées et les bassins de stockage constituent l’armature curative structurante. Cette approche, couplée à une imperméabilisation des sols croissante, a entraîné une augmentation des volumes ruisselés. De nombreux territoires subissent aujourd’hui des phénomènes de « ruissellement urbain », y compris lors de pluies faibles. Au-delà des risques d’inondation évoqués, ces phénomènes impactent également les cours d’eau récepteurs, dégradant leur hydromorphologie et altérant la qualité de leurs eaux par lessivage de polluants.

Plus récemment des alternatives au « tout tuyau » favorisant l’infiltration à la parcelle

Les retours d’expériences montrent que la gestion des eaux pluviales ne peut plus reposer sur les seuls réseaux, que ce pour des raisons techniques, écologiques ou financières. Conscientes de ces enjeux, les collectivités déploient de plus en plus de dispositifs de gestion des eaux pluviales favorisant l’infiltration et la rétention des eaux dans les sols. Alternatifs au « tout tuyau », ces dispositifs sont regroupés sous le vocable de « techniques alternatives » de gestion des eaux pluviales. Ces dispositifs alternatifs sont parfois difficiles à déployer en raison de contraintes liées au manque de foncier, notamment dans les centres-villes anciens et denses. Afin de pallier cette problématique foncière tout en améliorant le cadre de vie, ces ouvrages s’imbriquent de plus en plus avec des ouvrages existants (toitures, terrains de sport…) .

Il en résulte des ouvrages protéiformes…

Contrairement aux ouvrages de gestion des eaux usées facilement reconnaissables et localisables, les ouvrages et dispositifs de gestion des eaux pluviales sont disséminés géographiquement et protéiformes. Etant soit enterrés, soit à ciel ouvert, ils sont de dimensionnement, d’aspects paysagers et d’accessibilité variables. Ils sont de plus en plus souvent multifonctionnels : ce sont aussi des espaces paysagers ou de loisirs en ville. Les ouvrages ont également évolué vers un fonctionnement moins artificiel et plus écologique – avec une prise en compte de l’impact qualitatif des eaux pluviales - et peuvent faire partie intégrante de la trame écologique bleue en zone urbaine. Ces nouveaux ouvrages posent un défi juridique (de quelle compétence relèvent-ils ?), financier (par quel budget sont-ils financés ?) et organisationnel (quel service en a la charge ?).

… et de multiples gestionnaires pour la gestion des eaux pluviales

A cette variabilité technique s’ajoute la variabilité des gestionnaires qui les créent et les gèrent. En effet, la gestion des eaux pluviales est aujourd’hui juridiquement rattachée à la notion de foncier, chaque propriétaire étant responsable des eaux tombant sur ses fonds. De ce postulat découle que le Conseil départemental, les communes gestionnaires de voirie, les propriétaires publics ou privés, tous sont responsables de l’infiltration et du traitement des eaux pluviales et potentiellement gestionnaires d’ouvrages. A noter le cas spécifique des ouvrages multifonctionnels. Ils font intervenir sur un même espace des gestionnaires de l’eau, de l’aménagement du territoire, des loisirs, etc. qui n’ont ni des habitudes de travail en commun, ni les mêmes ambitions. Pour l’autorité compétente en gestion des eaux pluviales urbaines (GEPU), il ne s'agit plus simplement d'exploiter ses propres ouvrages mais de coordonner une multitude d'acteurs. Un défi de gouvernance qui vient s'ajouter aux précédents !

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