Les coûts cachés de l'extension urbaine sur les réseaux techniques

Une extension urbaine aux coûts invisibles

L'extension urbaine est souvent perçue comme une manière de ramener de nouveaux usagers, et donc de nouvelles consommations, aux réseaux techniques d'eau, de chaleur, d'électricité, etc. Et pourtant ! Lors d'une opération d'aménagement, seuls les coûts de VRD, c'est-à-dire de création de réseaux, sont intégrés. Une fois réalisé, le réseau revient dans le giron de l'autorité publique qui en a la charge... et en supporte les frais d'exploitation sur toute sa durée de vie. Les coûts de l'extension urbaine ne tiennent cependant pas compte de l'impact économique sur le modèle de l'opérateur public tout au long de la durée de vie de l'équipement. Or, à quelques exceptions près, le linéaire d'infrastructure ramené aux consommations tend à diminuer de manière toujours plus importante... autrement dit, le linéaire marginal de réseau coûte de plus en plus cher à l'exploitation.

Une densité linéaire ou thermique décorrélée de la densité urbaine

Plusieurs indicateurs permettent de mesurer la densité de consommations sur un réseau : la densité thermique sur les réseaux de chaleur ou de gaz, l'indice linéaire des consommations pour les réseaux d'eau, etc. Prenons l'exemple des réseaux d'énergie : ces indicateurs sont beaucoup plus élevés - et donc meilleurs pour la rentabilité du réseau - pour les réseaux de chaleur (8 MWh consommés par mètre de réseau en moyenne), que pour le gaz (2,1 MWh/ml) ou l'électricité (0,34 MWh/ml). En effet, les réseaux d'électricité ou d'eau sont contraints de s'étendre à chaque extension urbaine, alors que l'extension d'autres réseaux s'apprécie au cas par cas. De manière générale, plus le quartier est dense, plus l'équilibre économique est facile à atteindre. Or, l'impact d'une opération de densification ou d'extension urbaine sur l'économie à long terme des réseaux est rarement mesuré.

La densité urbaine, un indicateur insuffisant ?

Si la densification urbaine est plus favorable à l'économie des réseaux que l'étalement, le propos doit être nuancé. D'une part, le linéaire de réseau nécessaire dépend beaucoup de la forme urbaine. Ainsi, à densité urbaine équivalente, certains quartiers nécessiteront davantage de linéaire que d'autres comme le rappelle une étude du CEREMA menée en 2012. Par ailleurs, le dimensionnement d'un réseau dépend des pics de consommation, qui peuvent être atténués lorsqu'il y a une mixité des usages. Cependant, si les aménageurs doivent dorénavant rendre compte du nombre de logements pour chaque mètre carré urbanisé, personne n'exige encore d'indicateur rendant compte du linéaire de réseau à créer par nombre d'habitants.

Encore un peu de chemin à parcourir...

A ce jour, les indicateurs chiffrés manquent pour mesurer l'impact économique d'une opération urbaine, non pas sous le prisme de la seule rentabilité de l'aménageur, mais bien pour l'ensemble des acteurs devant supporter les coûts de gestion des infrastructures tout au long de leur durée de vie. Pourtant, il y a fort à parier que ces réflexions permettraient d'éclairer d'un nouvel angle le débat sur l'étalement urbain !

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